Le Piton de la Fournaise : à la rencontre du géant

Il y a un moment suspendu, presque sacré, lorsqu’on quitte la Plaine des Cafres à l’aube, que la lumière filtre à travers les nuages bas, et qu’on entre dans l’univers du volcan. Après avoir traversé la Plaine des Sables, décor martien balayé par les vents, on atteint le Pas de Bellecombe-Jacob, balcon naturel à 2311 mètres d’altitude. Là, face à l’immensité de l’enclos Fouqué, le souffle se coupe. Le Piton de la Fournaise est là, massif, silencieux, imposant, baigné de brumes ou nimbé d’or. On se sent minuscule, mais irrésistiblement attiré.

La randonnée commence par une descente abrupte dans l’enclos, par une série de marches en pierre volcanique. Puis le sentier s’étire sur plusieurs kilomètres à travers les coulées figées, les cratères secondaires, les dunes de scories et les fractures ouvertes. Le silence est total. On marche sur une mémoire vivante, sur une terre qui respire encore sous nos pieds. Le Formica Leo, premier cône rencontré, est le premier jalon de cette traversée minérale.

Plus on avance, plus la sensation de marcher sur une autre planète s’accentue. Le décor est brut : noir, rouge, ocre, parfois argenté. Pas un arbre, pas un oiseau, juste les traînées de soufre et les volutes de chaleur. L’ascension finale vers le Dolomieu, raide et caillouteuse, demande de l’endurance et de l’attention. Mais une fois au sommet, tout s’efface. Le cratère, béant, profond, strié de traces anciennes, semble respirer. Il fascine. Il hypnotise. Certains s’installent en silence, comme face à un feu de camp. D’autres prennent des photos à la volée, comme pour figer l’instant. Tous repartent changés.

Le Piton de la Fournaise, c’est une leçon de géologie, une méditation à ciel ouvert, un voyage intérieur. Chaque éruption modifie son visage, chaque passage est unique. Il incarne cette Réunion insoumise, insulaire, indomptée. Et marcher sur ses flancs, c’est dialoguer avec le feu du monde.